La conjoncture en Allemagne au 1er trimestre 2025 : le marché de l’emploi.

La conjoncture en Allemagne au premier trimestre 2025 : focus sur le marché de l’emploi

Isabel Habicht*

La note conjoncturelle ici habituellement attendue se veut un peu différente des précédentes analyses pour non seulement éviter une répétition de ce qui a été déjà dit dans le dernier numéro faute de chiffres plus actuels,[1] mais surtout pour creuser davantage un point particulier : Notre analyse focalise spécialement sur le marché du travail en Allemagne en analysant le dernier trimestre 2024 et les plus récents chiffres du début de 2025.

On s’intéressera à l’évolution de la population active, aux actifs par secteur, à la place des femmes sur le marché du travail, aux problèmes démographiques. Nous nous posons la question où travaillent les gens et regardons où et comment les immigrés notamment ceux de ladite crise de 2015 ont trouvé du travail mais aussi où le Fachkräftemangel (manque de main-d’œuvre qualifiée) se fait sentir le plus.

Nous nous intéressons aussi à la vague de licenciement chez les grands employeurs qui se profile et dans quelles branches elle menace des emplois en Allemagne. On examine des marchés plus favorables qui pourront employer les masses dans l’avenir comme les énergies vertes et les Umwelttechniken (tech vertes).

Les données : le marché du travail en chiffres : Un nouveau record de la population active trompeur en 2024[2]

En 2024, environ 46,1 millions de personnes travaillant en Allemagne étaient actives en moyenne annuelle, ce qui représente un nouveau record en 2024. Selon les premières estimations du statistische Bundesamt (Destatis), le nombre annuel moyen de personnes actives en 2024 a augmenté de 72 000 personnes (+0,2 %) par rapport à l’année précédente. À l’exception de l’année Corona 2020, le nombre d’actifs a donc augmenté de manière continue depuis 2006 : après le recul de 325 000 personnes (-0,7 %) enregistré au début de la crise de Corona en 2020, le nombre d’actifs a d’abord légèrement augmenté de 87 000 (+0,2 %) en 2021, puis a fortement augmenté en 2022. Toutefois, depuis le milieu de l’année 2022, la croissance s’est nettement ralentie : si en 2022, le nombre total de personnes a fortement augmenté de 622 000 (+1,4 %), en 2023, la croissance n’était plus que de la moitié de celle de l’année précédente, avec 336 000 personnes (+0,7 %), et elle s’est encore nettement affaiblie en 2024.

L’augmentation de l’emploi était due, comme les années précédentes, à l’immigration de travailleurs étrangers et à l’augmentation de la participation à la vie active de la population nationale. Ces deux facteurs de croissance l’emportent sur les effets modérateurs de l’évolution démographique, qui conduisent à un départ accru à la retraite de la génération du baby-boom. (environ 1,1 M/an des générations nées entre 1957 et 1968)[3].

En janvier 2025, environ 45,6 millions de personnes résidant en Allemagne avaient un emploi. Selon les calculs de Destatis, le nombre de personnes actives, corrigé des variations saisonnières, a légèrement baissé de 9 000 personnes (0,0 %) par rapport au mois précédent. D’octobre à décembre 2024, l’emploi avait encore augmenté en moyenne de 7 000 personnes par mois[4]. Toujours selon Destatis, le nombre de personnes actives occupées (corrigé des variations saisonnières), a légèrement diminué de 10 000 personnes (0,0 %) en février par rapport au mois précédent[5]. Ce qui démontre la tendance négative.

Population active par secteur

Le plus grand nombre des actifs travaille dans les services, soit 34,8 M. Cela représente 75,5 % de tous les actifs (en 2023 75,3 %). Le nombre des actifs dans le 3e secteur a augmenté de 153 000 actifs (+0,4 %) pour atteindre 34,8 M – un nouveau record ! Le secteur tertiaire contribue à 70 % au BIP.

En dehors du secteur des services, l’emploi a diminué.

Dans le secteur de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de la pêche, 3 000 personnes de moins que l’année précédente étaient actives, ce qui correspond à un recul de 0,5 % à 569 000 personnes. La tendance négative des années précédentes s’est ainsi poursuivie.

Dans le secteur de la production (hors construction), l’emploi a diminué de 50 000 (-0,6 %) pour atteindre 8,1 millions de personnes en 2024. Dans le secteur de la construction, la tendance à la hausse qui durait depuis 2009 et qui n’avait été interrompue qu’en 2015 a pris fin avec un recul de 28 000 personnes actives (-1,1 %) à 2,6 millions. Au total, 23,3 % de tous les actifs travaillent donc dans le secteur de la production en 2024 (2023 : 23,5 %). L’industrie allemande rien qu’à elle seule a perdu 70 000 emplois l’année dernière, et la tendance est à la baisse rapide. Cette année, 100 000 emplois supplémentaires pourraient être supprimés. C’est la conséquence dramatique d’une récession au cours de laquelle les entreprises ont réalisé en moyenne 3,8 % de chiffre d’affaires en moins que l’année précédente. Ainsi, 83,6 milliards d’euros de moins qu’en 2023 ont été générés[6]. Selon cette étude, le secteur de l’électrotechnique s’est montré particulièrement faible, son chiffre d’affaires ayant chuté de 7,5 %. Les entreprises métallurgiques ont enregistré un recul de 5,1 %, l’industrie automobile de 5,0 %.

Le nombre d’emplois a aussi particulièrement baissé dans l’industrie du textile et de l’habillement – de plus de 4 % – ainsi que dans l’industrie du caoutchouc et du plastique et dans l’industrie automobile (de 2,4 % chacun). En chiffres absolus, l’industrie électrique (moins 15 700 postes) et l’industrie automobile (moins 18 800 postes) ont enregistré les plus fortes suppressions d’emplois. Les suppressions d’emplois dans l’industrie allemande ne cessent d’augmenter : alors que le nombre de salariés n’était inférieur que de 0,4 % à celui de l’année précédente au premier semestre, la baisse s’est accentuée pour atteindre 1,2 % fin 2024.

Il n’est guère surprenant que la part de l’industrie dans la génération de valeur diminue continuellement depuis des années, pour chuter à seulement 20 % en 2024 (23,5 % en 2023).

Les branches les plus menacées

L’industrie automobile et ses 760 000 salariés jouent actuellement un rôle décisif. Dernièrement, la baisse du chiffre d’affaires s’est encore accélérée – au quatrième trimestre, le chiffre d’affaires était inférieur de 6,5 % au niveau de l’année précédente. Sur l’ensemble de l’année 2024, le chiffre d’affaires a chuté de 28 milliards d’euros.

Le plus touché par la crise du secteur automobile[7] est Volkswagen. En décembre, un tournant a toutefois été pris dans les négociations entre le directoire de VW et le syndicat IG Metall : on s’est mis d’accord sur une nouvelle garantie d’emploi, les licenciements liés à l’activité étant ainsi exclus jusqu’en 2030, selon les déclarations du syndicat. Néanmoins, d’ici 2030, environ 35 000 emplois devraient être supprimés de manière socialement acceptable[8]. L’équipementier automobile ZF Friedrichshafen doit également supprimer des postes en raison de pertes de plusieurs milliards d’euros. D’ici 2028, environ 14 000 employés doivent quitter l’entreprise. En outre, certaines usines seront regroupées ou fermées[9]. L’équipementier Continental connaît également de gros problèmes. D’ici 2028, il y aura donc 7 150 emplois en moins, comme le groupe l’avait déjà fait savoir il y a environ un an. 5 400 de ces emplois devraient être affectés à l’administration et 1 750 au développement. La suppression de 3 000 postes supplémentaires d’ici fin 2026 a été annoncée, ce qui porte la réduction totale des effectifs à plus de 10 000 personnes. Le nombre total de postes supprimés depuis la mi -2023 s’élève déjà à environ 5 000. Plus d’un tiers des emplois supprimés chez Continental se trouve en Allemagne[10].

Ford doit également faire face à la période de crise que traverse le secteur automobile. D’ici 2027, le constructeur automobile américain veut supprimer environ 4 000 emplois en Europe. Selon le Tagesschau[11], environ 2 900 des 16 500 postes en Allemagne sont concernés. L’usine de Cologne, qui emploie environ 11 500 personnes, serait la plus touchée. En raison des problèmes persistants dans le secteur industriel et de la fragilité du marché automobile, l’équipementier automobile et industriel Schaeffler veut également supprimer des emplois, probablement environ 4 700 dans le monde entier[12]. Dix sites et 2 800 collaborateurs seraient concernés en Allemagne. La mise en œuvre devrait se poursuivre jusqu’en 2027. L’entreprise de voitures électriques du multimilliardaire Elon Musk, Tesla, prévoit également une réduction d’effectifs de 10 % à l’échelle mondiale[13]. Ainsi, l’usine de Grünheide, près de Berlin, devrait supprimer 400 postes supplémentaires sur les 12 500 postes fixes, en plus des 300 postes intérimaires déjà annoncés sur les 2000[14].

Les raisons des licenciements

Comment expliquer cette saignée dans le secteur automobile ? Les constructeurs allemands se sont pris trop tard pour investir dans l’e-mobilité d’autant plus que l’investissement est très lourd et les ventes restent inférieures aux objectifs. Au sein de la dernière coalition, la FDP a encore essayé de retarder de tourner la page des moteurs à combustion[15], en vue du contexte où la demande est en baisse et la concurrence féroce : Les constructeurs chinois gagnent du terrain avec des véhicules plus abordables. Ajoutons le contexte géopolitique qui provoque des coûts de production élevés et rend la situation encore plus complexe.

Mesures de soulagement de la nouvelle coalition CDU/CSU-SPD

C’est justement la demande intérieure qui doit être renforcée : depuis des années, la demande intérieure est faible – ce qui a toujours aidé, ce sont les exportations. L’année dernière aussi, les exportations des entreprises industrielles ne se sont contractées « que » de 2,8 %, alors que la demande intérieure a reculé de 4,8 %. Ce sont encore les affaires avec les clients hors de la zone euro qui se sont le mieux développées, avec une baisse de 2,6 %. Selon l’étude citée plus haut[16], la faiblesse de la demande intérieure serait due à la faiblesse persistante des investissements, à la sous-utilisation des capacités de production, à l’augmentation des coûts de financement et aux incertitudes politiques. Les consommateurs feraient également preuve d’une retenue notable en ces temps incertains.

C’est dans cette optique là que le traité de la nouvelle coalition CDU/CSU et SPD (09.04.2025) prévoit d’alléger la charge des entreprises par différentes mesures[17].

Les entreprises doivent pouvoir amortir fiscalement un pourcentage plus élevé de leurs coûts d’investissement dans les années à venir, ce qui doit agir comme un « booster d’investissement ».

Les impôts doivent baisser. D’une part l’impôt sur les sociétés, d’autre part la taxe sur l’électricité, afin de rendre l’énergie moins chère. Les tarifs des réseaux devraient également baisser. Cela vaut également pour les consommateurs privés. Les entreprises à forte consommation d’énergie devraient bénéficier d’un prix plus avantageux pour l’électricité industrielle. Le gaz naturel pourrait également devenir moins cher. Selon les calculs de l’Institut de l’économie allemande (IW) à Cologne, les entreprises pourraient être soulagées de plusieurs milliards grâce à ces mesures[18].

Le chômage

En moyenne annuelle, le nombre de chômeurs en Allemagne a nettement augmenté en 2024 par rapport à l’année précédente, de 179 000 personnes, soit 13,4 %, pour atteindre 2,7 millions de personnes. En 2025, le nombre de chômeurs augmentera en moyenne annuelle de 140 000 pour atteindre 2,92 millions, a annoncé l’Institut de recherche sur le marché du travail et les professions (IAB) à Nuremberg[19]. Parallèlement, le nombre de personnes actives devrait diminuer de 40 000 personnes par rapport à l’année précédente pour atteindre 46,04 millions.

Par conséquent, le taux de chômage a légèrement évolué ces dernières années : de 5,3 % en 2020, il a légèrement augmenté pendant la pandémie et a atteint 6,3 % en 2025.

Il est aussi intéressant d’observer le clivage entre les jobs soumis aux cotisations sociales et les mini jobs, dont le salaire ne dépasse pas une certaine limite. Depuis le 1er janvier 2025, le salaire max des mini jobs est de 556 €/mois (donc de 6 672 euros/an). Ce chiffre est corrélé aux salaires minimums qui passent de 12,41 € à 12,82 €/h en 2025. Ces jobs ont diminué depuis 2014, mais remontent tout légèrement pour 2024 comparé à 2023 et 2022. En mars 2024, on comptait 6 835 989 mini jobs[20].

Le Fachkräftemangel

Dans l’ensemble, la demande de main-d’œuvre qualifiée diminue en 2025. Mais cela ne signifie pas pour autant que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée n’existe plus.

Le Fachkräftemangel touche certains secteurs bien plus que d’autres. En particulier dans les domaines des mathématiques, de l’ingénierie, des sciences naturelles et de la technique, le temps nécessaire pour pourvoir les postes vacants est supérieur à la moyenne : selon le BMWi (ministère de l’Économie), 352 des 801 catégories professionnelles sont touchées par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, principalement dans les domaines MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technologie), pour lesquels il existe même des services spécialisés de conseil en personnel. Mais la recherche d’employé devient également un défi de plus en plus important dans les métiers artisanaux. Le désir d’étudier attire de nombreux jeunes vers les universités et les écoles supérieures – l’artisanat est le premier à ressentir ce changement.

Selon les études du BMWi, 55 % des entreprises considèrent déjà la pénurie de main-d’œuvre qualifiée comme un risque pour l’avenir – en 2010, ce chiffre n’était que de 16 %. La raison pour laquelle les entreprises se sentent menacées par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est avant tout liée à leur vision de l’avenir. En effet, l’entreprise ne peut se développer et augmenter son chiffre d’affaires que si elle dispose d’un nombre suffisant de collaborateurs.

Selon Data indeed[21], les offres d’emploi ont diminué de 15 % au cours du dernier trimestre.

À la récession qui se dessinait déjà depuis deux ans s’ajoute la situation politique et mondiale difficile après les élections américaines de novembre 2024 et avant les élections allemandes de février 2025, qui rend difficile pour les entreprises de planifier la nouvelle année, y compris la planification du personnel en court terme.

En revanche, le changement démographique – un moteur décisif derrière la pénurie de main-d’œuvre qualifiée – est un méga-défi dont les effets ne nous ont pas encore atteints de plein fouet. Selon destatis, on doit compter avec plus d’un million de départs en retraite des baby-boomers pour les 10 à 15 ans à venir. À long terme, d’autres professionnels partiront à la retraite, ce qui aggravera encore la pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans de nombreux domaines.

À cela s’ajoute le fait que la demande ne diminue pas de la même manière dans tous les domaines spécialisés. En 2025, nous aurons affaire à un marché divisé en deux : il y aura par exemple nettement moins de postes à pourvoir dans le marketing, le développement de logiciels et la gestion de projets, alors que de nombreux postes resteront ouverts dans l’ingénierie ou le conseil fiscal. La demande ne faiblit pas non plus dans les secteurs indépendants de la conjoncture, comme les soins ou l’enseignement, ni dans les secteurs souffrant d’une pénurie structurelle de main-d’œuvre qualifiée, comme l’artisanat[22].

Où travaillent les travailleurs immigrés ?

Dans l’ensemble de l’économie, un peu plus d’un quart (26 %) de tous les salariés avaient un passé d’immigrés, c’est-à-dire qu’ils avaient eux-mêmes immigré en Allemagne depuis 1950 ou que leurs deux parents avaient immigré depuis lors. Si on regarde de plus près où les employés issus de l’immigration travaillent, on constate que leur proportion est nettement supérieure à la moyenne de l’économie dans des métiers en pénurie. Le Fachkräftemangel dans de nombreux métiers en tension serait donc terriblement plus grave sans l’immigration. Que ce soit dans la construction, l’industrie alimentaire, la gastronomie, les soins ou le transport de personnes et de marchandises, les employés ayant une histoire d’immigration sont surreprésentés. Ainsi, deux employés sur trois (67 %) dans le secteur de l’aménagement et de la construction à sec avaient une histoire d’immigration en 2023, comme l’indique Destatis. Dans la production alimentaire, c’était le cas de plus de la moitié des employés (51 %). La proportion était également supérieure à la moyenne dans le groupe professionnel des carreleurs (47 %), parmi les conducteurs de bus et de tramways (46 %) et parmi le personnel de service dans la restauration (45 %). Mais aussi des secteurs comme la transformation de la viande (42 %), la vente de produits alimentaires (41 %), les conducteurs professionnels de marchandises (37 %), les soins aux personnes âgées (31 %) ainsi que la construction métallique ou l’électrotechnique (30 % chacun) ne peuvent pas se passer de l’immigration[23].

La proportion de personnes issues de l’immigration n’est pas seulement élevée dans de nombreux métiers en pénurie. Certains secteurs sont particulièrement dépendants de la main-d’œuvre issue de l’immigration. C’est surtout le cas dans la restauration – suivie de l’entretien des bâtiments ainsi que de l’entreposage et des autres services de transport. En 2023, plus de la moitié (54 %) de tous les salariés du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, quelle que soit la profession exercée, avait un passé d’immigré. Dans le secteur de l’entretien des bâtiments, qui comprend en grande partie le nettoyage, mais aussi l’horticulture et l’aménagement paysager, près de la moitié (49 %) des travailleurs avait un passé d’immigration.

La profession en pénurie où les employés immigrés sont le moins représentés est celle d’assureur (13 %). Les personnes issues de l’immigration sont encore plus sous-représentées dans certains groupes professionnels : c’est notamment le cas dans les services de police (6 %), les métiers de l’administration publique (9 %), les enseignants (primaire : 9 %, secondaire : 11 %) et la gestion commerciale et technique (12 %).

En général, il existe de grandes différences entre les travailleurs immigrés et non immigrés en termes d’emploi : les travailleurs immigrés sont beaucoup plus susceptibles d’occuper des emplois peu qualifiés que les travailleurs non immigrés. En 2023, 15,3 % des actifs ayant un passé d’immigration travaillaient comme manœuvres, contre 4,5 % pour les actifs sans passé d’immigration. En revanche, les travailleurs immigrés étaient moins représentés parmi les cadres (3,1 % contre 4,7 % pour les travailleurs non immigrés). Il en va de même pour les professions académiques (17,9 % contre 24,7 %).

Une tension politique : intégration des femmes au marché du travail

Qu’en est-il de l’intégration des personnes arrivées en Allemagne en 2015 suite à la crise des réfugiés ? Les résultats : Environ deux tiers, soit 64 % des réfugiés arrivés en 2015, ont un emploi, dont près des trois quarts à temps plein, selon un rapport de l’Institut de recherche sur le marché du travail et les professions (IAB) de 2024. Leur emploi a augmenté de manière continue au cours des dernières années. Toutefois, cela ne vaut que pour les hommes réfugiés. Parmi les femmes, seul un tiers a un emploi, ce qui soulève la question de l’intégration et pourrait, à long terme, faire monter les tensions politiques.

Les femmes sur le marché du travail

En général, une plus grande participation des femmes au marché du travail peut contribuer positivement au maintien de la main-d’œuvre qualifiée. Dans ce domaine, une forte augmentation de l’activité professionnelle a déjà pu être réalisée au cours des dernières années. Ainsi, entre 2010 et 2022, l’activité professionnelle des femmes a augmenté de 7 %. Avec 76,8 %, l’Allemagne a l’un des taux d’emploi des femmes les plus élevés d’Europe. Cette évolution est notamment due à l’augmentation de l’activité professionnelle des mères.

Cependant, une femme sur deux travaille à temps partiel, contre seulement 12,7 % des hommes. Par conséquent, le volume de travail annuel moyen des femmes est inférieur d’environ 30 % à celui des hommes. Le contexte familial joue un rôle décisif : les mères en particulier présentent un taux d’emploi nettement plus faible et un taux de temps partiel plus élevé que les femmes sans enfant. Cela est surtout visible quand on regarde les chiffres des mères avec des enfants en bas et jeune âge. Même si le temps de travail hebdomadaire moyen des mères actives est passé de 25 à près de 28 heures entre 2010 et 2022, les femmes ne retravaillent souvent pas selon leur potentiel, même après le temps consacré à l’éducation des enfants.

Écarts de rémunération

Les femmes gagnent en moyenne 23 % de moins que les hommes, même si cet écart se réduit à 8 % à qualification égale. Cependant, le chiffre le plus alarmant concerne le revenu moyen de toute une vie : une femme en Allemagne n’a gagné que 50 % du revenu moyen d’un homme[24] !

De nombreuses femmes en âge de travailler, qui ne travaillent pas actuellement et ne recherchent pas activement un emploi, ou qui travaillent à temps partiel, ont une bonne formation. Dans des conditions appropriées, il est souvent possible de convaincre ce groupe cible de travailler ou d’augmenter son temps de travail en temps utile. Il est donc dans l’intérêt de l’économie d’exploiter encore mieux le potentiel de performance et de qualification des femmes. Afin d’augmenter encore le volume d’activité des femmes ayant des responsabilités familiales et de soins, le gouvernement fédéral développe l’offre de garde d’enfants et adapte le cadre légal. En outre, des conditions de travail flexibles et favorables à la famille ainsi qu’une répartition plus égale des tâches familiales et professionnelles sont également déterminantes.

Qui va embaucher en masse désormais ?

Les « marchés verts du futur » comme facteur économique

Pour le site technologique et industriel allemand, l’importance des technologies environnementales et de l’efficacité des ressources ne peut être surestimée. Le secteur transversal des « technologies environnementales et de l’efficacité des ressources » se développe avec une dynamique particulière.

Ce secteur transversal englobe toutes les entreprises qui proposent des biens et des services de protection de l’environnement. En 2021, les entreprises allemandes ont produit des biens d’une valeur de 90,6 milliards d’euros qui peuvent être utilisés à des fins de protection de l’environnement. Cela correspond à 6,2 % de la production industrielle totale.

La protection de l’environnement n’a pas seulement un impact sur l’économie allemande par la production de biens environnementaux. Elle devient également de plus en plus un thème central dans les secteurs économiques « classiques », comme par exemple la construction automobile ou mécanique. L’utilisation de technologies environnementales efficaces gagne en importance et détermine en grande partie la compétitivité des entreprises. Pour ces « marchés verts du futur », on prévoit une croissance annuelle moyenne du volume du marché mondial de plus de 7 % jusqu’en 2030[25]. Les marchés verts d’avenir comprennent la production, le stockage et la distribution d’énergie respectueuse de l’environnement, l’efficacité énergétique, l’efficacité des matières premières et des matériaux, la mobilité durable, l’économie circulaire, la gestion durable de l’eau et l’agriculture et la sylviculture durable. Ces marchés pilotes des technologies environnementales et de l’efficacité des ressources ont largement dépassé le statut de niche : En Allemagne comme dans le monde entier, le volume des marchés verts d’avenir a augmenté. Selon les estimations de Roland Berger Consulting, le volume global du marché s’élevait à 4,6 billions d’euros en 2020, contre 3,2 billions d’euros en 2016. En 2021, l’économie allemande a exporté des biens de protection de l’environnement pour une valeur de 65 milliards d’euros. Cela correspond à une part du commerce mondial de 12 %. L’Allemagne se place ainsi en deuxième position derrière la Chine, avec une part du commerce mondial de 20 %. La part de la Chine dans le commerce international de biens environnementaux potentiels a plus que triplé depuis 2002.

Les chiffres de production de biens environnementaux en Allemagne pour 2024 ne sont pas encore entièrement publiés, le prochain Green Tech Atlas ne paraîtra qu’à l’été 2025. Les chiffres connus à ce jour sont ceux des personnes employées en 2022 dans les emplois verts, ils ont augmenté de 10,3 % en 2022 pour atteindre 376 000 employés (contre 344 100 employés en 2021).

Quel sera donc l’avenir du marché du travail en Allemagne ? Une chose est sûre ; nous ne pouvons plus nous reposer sur nos lauriers, l’économie est en plein processus de restructuration et les attentes envers le nouveau gouvernement sont hautes.

 

[1]* Professeure associée à HEC-Paris, elle dirige la filière d’allemand au département des Cultures et des Langues.

Pour le tournant de l’année 2025, cf. la note de Patricia Comment, La conjoncture économique allemande au tournant de l’année 2025, Allemagne aujourd’hui, no 251 (I-2025), p. 185-201.

[2]. Pour les données nous avons utilisés les pages du statistische Bundesamt suivantes : https://www.destatis.de/DE/Themen/Arbeit/Arbeitsmarkt/Erwerbstaetigkeit/Tabellen/eckwerttabelle.html#fussnote-2-233004 et https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2025/01/PD25_001_13321.html#:~:text=Im%20Jahr%202024%20trugen%20ausschlie%C3%9Flich,%25)%20auf%2034%2C8%20Millionen et plus loin https://www.destatis.de/DE/Themen/Arbeit/Arbeitsmarkt/Erwerbstaetigkeit/Tabellen/eckwerttabelle.html#fussnote-2-233004.

[3]. https://www.destatis.de/DE/Methoden/WISTA-Wirtschaft-und-Statistik/2024/01/die-babyboomer-012024.pdf?__blob=publicationFile, p. 27.

[4]. https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2025/02/PD25_077_132.html

[5]. https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2025/03/PD25_120_132.html

[6]. Selon une analyse du cabinet de conseil EY à Stuttgart, https://www.marktundmittelstand.de/ratgeber/industriekrise-in-deutschland-70000-jobs-schon-weg.

[7]. Chiffre pris de l’article, https://www.businessinsider.de/wirtschaft/stellenabbau-diese-14-top-arbeitgeber-entlassen-dieses-jahr-mitarbeiter/#:~:text=Laut%20des%20Instituts%20der%20deutschen,bis%20zu%2010.000%20Stellen%20ab.

[8]. Cf. https://www.volkswagen-group.com/de/pressemitteilungen/einigung-erzielt-volkswagen-ag-stellt-sich-
wettbewerbsfaehig-fuer-die-zukunft-auf-18911
.

[9]. Cf. https://deutsche-wirtschafts-nachrichten.de/714504/autozulieferer-zf-mit-milliardenverlust-massiver-stellenabbau-soll-kosten-senken.

[10]. Cf. https://www.tagesschau.de/wirtschaft/unternehmen/continental-stellenabbau-100.html.

[11]. Tagesschau du 20.11.2024, https://www.tagesschau.de/multimedia/video/video-1403952.html.

[12]. MDR Nachrichten du 5 novembre 2024, https://www.mdr.de/nachrichten/deutschland/wirtschaft/schaeffler-streicht-stellen-100.html.

[13]. Tagesschau du 23.04.202, cf. https://www.tagesschau.de/wirtschaft/unternehmen/tesla-gruenheide-stellenabbau-100.html et chiffres plus actuels à propos de la chute des ventes, https://www.electrive.net/2025/04/02/q1-absatz-tesla-stuerzt-auf-nur-noch-337-000-auslieferungen-ab/.

[14].
Toutes les prognoses prises dans l’article du businessinsider, cf. https://www.businessinsider.de/wirtschaft/stellenabbau-diese-14-top-arbeitgeber-entlassen-dieses-jahr-mitarbeiter/#:~:text=Laut%20des%20Instituts%20der%20deutschen,bis%20zu%2010.000%20Stellen%20ab.

[15]. Cf. Page de la FDP, publication du 24.09.2024 : « Aus für das Verbrenner-Aus », https://www.fdp.de/aus-
fuer-das-verbrenner-aus
.

[16]. Cf. https://www.ey.com/de_de/newsroom/2025/02/ey-industrie-barometer-q4.

[17]. Cf. https://www.tagesschau.de/inland/innenpolitik/koalitionsvertrag-wirtschaft-union-spd-100.html.

[18]. https://www.iwkoeln.de/presse/iw-nachrichten/wie-die-iw-wissenschaft-den-neuen-koalitionsvertrag-einschaetzt.html

[19]. Cf. Die Welt, https://www.welt.de/wirtschaft/article255754840/Arbeitslosigkeit-Arbeitsmarktforscher-erwarten-2025-Anstieg-um-140-000.html.

[20]. Chiffre pris du rapport de la Minijob-Zentrale, https://magazin.minijob-zentrale.de/quartalsbericht-
statistik-minijob/
.

[21]. Cf. https://data.indeed.com/#/postings.

[22]. Cf. https://hire.workwise.io/hr-praxis/personalsuche/fachkraeftemangel.

[23]. https://www.destatis.de/DE/Presse/Pressemitteilungen/2025/02/PD25_N008_13.html

[24]. Cf. https://www.lessentiel.lu/fr/story/une-femme-gagne-moitie-moins-qu-un-homme-151039401406.

[25]. Le dernier atlas des technologies environnementales pour l’Allemagne (Green Tech Atlas) a été publié en 2021 par le ministère de l’Environnement et la Protection du consommateur (BMUV)il et est actuellement en cours de réélaboration. Le septième atlas des technologies environnementales devrait être publié en été 2025.