Exposition : L’univers de Tomi Ungerer

Exposition : l’univers de Tomi Ungerer

« Expect the unexpected ». Telle aurait pu être la devise de Tomi Ungerer. Le célèbre auteur français de livres pour enfants était un dessinateur prolifique, inventif, multifacettes et provocateur. Trois ans après sa mort, le musée Deichtorhallen de Hambourg lui rend hommage.
Le jeune Alsacien qu’il était avait été marqué au fer rouge par l’expérience de la germanisation durant la Seconde Guerre mondiale. Toute sa vie, Tomi Ungerer (1931-2019) a été un fervent défenseur de la réconciliation franco-allemande et de l’intégration européenne. À 25 ans, il avait pris le large. Il s’était envolé pour New York, puis pour le Canada et, finalement, pour l’Irlande en 1976. Mais ce globe-trotteur est toujours resté très proche de ses lecteurs en France et en Allemagne. À sa mort, en février 2019, les hommages ont plu des deux côtés du Rhin. À l’occasion du 90e anniversaire de sa naissance, le musée Deichtorhallen de Hambourg lui consacre une vaste rétrospective.

Un artiste français très aimé en Allemagne

L’exposition est présentée jusqu’au 24 avril sous le titre « Tomi Ungerer. It’s all about freedom ». Elle fournit l’occasion de redécouvrir une vie et une œuvre extrêmement créative, qu’il serait réducteur de cantonner à l’illustration de livres pour enfants. Ces derniers sont mondialement célèbres (« Les trois brigands », « Jean de la Lune », « Le Géant de Zéralda », «  Otto, autobiographie d’un ours en peluche »). Mais Tomi Ungerer a publié 140 ouvrages qui vont de la littérature pour la jeunesse à l’autobiographie en passant par la satire sociale et les thèmes pour adultes. Il a aussi créé quelque 40 000 dessins, plus de 300 affiches publicitaires, ainsi que des dizaines de tableaux, lithographies et sculptures.

L’exposition dévoile environ 400 de ces œuvres, qui couvrent près de neuf décennies. Une grande partie vient du musée Tomi Ungerer – Centre international de l’illustration de Strasbourg, qui avait été en 2007 l’un des premiers musées à consacrer un artiste encore vivant. Elle met en avant les grandes lignes politiques et stylistiques du travail de Tomi Ungerer, ainsi que les ruptures d’ordre artistique qui l’ont marqué. On y découvre de nombreuses illustrations jamais publiées. Elles soulignent des aspects méconnus de l’œuvre, tels qu’un dialogue avec les artistes américains Lyonel Feininger et Martha Rosler, ainsi qu’avec les Allemands John Heartfield et Martin Kippenberger.

Correspondances

Une autre originalité de cette rétrospective est de chercher des correspondances internes à l’œuvre. On y découvre notamment des liens entre les motifs utilisés dans les livres pour enfants et ceux des ouvrages biographiques ou de critique sociale.

De fait, Tomi Ungerer, durant sa période américaine dans les années 1950 et 1960, a créé des affiches pour protester contre la Guerre du Vietnam et contre la ségrégation raciale. Plus tard, il s’est plongé dans les quartiers « chauds » de Hambourg pour étudier de manière quasi-sociologique l’univers de la prostitution. Son œuvre est souvent subversive. Elle reflète un engagement politique constant dans le cadre de campagnes humanitaires pour le désarmement nucléaire, Amnesty International ou Reporters sans frontières. Quel que soit le domaine, Tomi Ungerer avait le souci permanent d’explorer l’humanité et de tisser des liens.

C’est aussi ce qu’il a fait entre les peuples européens. Citoyen du monde né à la frontière franco-allemande, il a longtemps vécu en Irlande. Amoureux de la langue, il parlait aussi bien le français que l’allemand et l’anglais. C’était un fervent avocat de l’intégration européenne.

Cet engagement fort reposait toutefois sur les expériences traumatisantes vécues en Alsace pendant la Seconde Guerre mondiale, que l’art lui avait permis de travailler. Les tout premiers dessins de Tomi Ungerer, lorsqu’il était enfant, décrivaient l’invasion des villes alsaciennes par les troupes d’Hitler et ses conséquences. L’exposition dévoile quelques inédits issus de l’œuvre de Jeunesse.

« Tomi Ungerer. It’s all about freedom »
Exposition au musée Deichtorhallen, à Hambourg, collection Falckenberg, jusqu’au 24 avril 2022