Lettre d’information n°34. Avril 2018.

LA LETTRE D’INFORMATION

sur les relations franco-allemandes et l’Allemagne

N° 34. Avril 2018

Responsable de la rédaction :

Bernard Viale,  Délégué à  la « Communication »

 

 

                                                                Le mot du Président

 

Chers membres de l’AFDMA, chers amis,

Les relations franco-allemandes évoluent au rythme des élections dans nos deux pays, en décrivant  un nouvel avenir et en donnant un nouvel élan. Après les difficultés à constituer un gouvernement et l’élection de la Chancelière Angela Merkel, la rédaction d’un nouveau Traité de l’Elysée et d’une feuille de route commune est en cours. Gageons que ces initiatives renforceront notre coopération et notre capacité à donner de nouvelles impulsions à l’Europe, seule garantie pour être des acteurs influents dans le monde.

Nous avons chacun, au sein de l’AFDMA, un rôle à jouer pour renforcer les liens entre nos deux pays. Notre mission est de nous engager, de porter l’ambition de plus de réalisations communes et de nous opposer aux tendances naturelles et faciles d’un repli contre-productif.

De nos jours, tout aussi important que le « savoir-faire », le « faire-savoir ». Dans cette réalité, et quel que soit l’intérêt  et l’appétence portés, les « réseaux sociaux » sont incontournables pour informer, échanger, influencer. J’ai donc le plaisir de vous annoncer la naissance de la page « facebook » de notre association, que je vous invite à aller consulter.  Vous pourrez ainsi profiter de son interactivité. Elle contribuera, j’en suis sûr, à  faire progresser nos idées et nos engagements.

Comme je l’ai rappelé lors de notre dernière assemblée générale le 20 février à Paris, notre association fête ses 20 ans cette année. C’est l’âge de la maturité, c’est là que tout commence ! Plus que jamais, notre association a besoin de chacun de nous !

Très cordialement,

Général (2S) Bertrand Louis Pflimlin

Président

 

Sommaire :

–         Le mot du Président

–         P.2 : La déclaration de politique générale d’Angela Merkel.

–         P.4 : Publications : Qu’est-ce qui inspire Emmanuel Macron? Par Cyrille Schott.

–         P.6 :  France-Allemagne : et si les incompréhensions naissaient des constitutions ? Par Philippe Chalmel.

–         P.8 : Le sommaire d’Allemagne d’aujourd’hui.

–        P.9: les manifestations franco-allemandes.

–        P.11 : La vie de l’AFDMA.

 

 

Angela Merkel : « L’Allemagne, c’est nous tous ! »

 « Quelque chose a changé dans notre pays. » Malgré une situation économique excellente, la population a des inquiétudes par rapport à l’avenir et à la cohésion sociale. La crise des réfugiés a mis l’Allemagne à l’épreuve « d’une manière sans précédent ».

Le débat sur la bonne manière de faire les choses a « divisé » l’Allemagne. La discussion est « polarisée » et la société est devenue plus « rude », a déclaré la chancelière fédérale Angela Merkel lors de sa première déclaration de politique générale suivant sa réélection. Elle a justifié sa décision d’avoir accueilli des centaines de milliers de réfugiés, en particulier de Syrie, en 2015 et 2016. Mme Merkel a aussi souligné qu’il s’était agi d’une situation d’exception humanitaire. À la fin de la législature, elle espère que l’on pourra constater que les divisions ont été surmontées et que la cohésion a été rétablie.

Des personnes en détresse accueillies
Au début de son discours, Angela Merkel a rappelé que la guerre civile en Syrie avait débuté il y a sept ans, dans le sillage du « printemps arabe ». L’Europe avait d’abord espéré ne pas être directement touchée par les conséquences. Pour être honnête, il faut toutefois ajouter « que nous avons reconnu trop tard que les réfugiés dans les pays voisins n’étaient pas suffisamment pris en charge », une situation qui a été exploitée par des réseaux de passeurs, a admis la chancelière. « Nous les avons accueillis en tant que personnes en détresse. » Cela a été une épreuve incroyable pour la société. Les institutions n’y  étaient pas préparées. « Notre pays peut être fier de cet accomplissement », a insisté la chancelière.
Mme Merkel voit cinq aspects importants pour l’avenir :

1.      Une telle situation d’exception comme l’accueil des réfugiés en 2015 et 2016 ne peut et ne doit pas se répéter. L’Accord UE Turquie a aidé à mettre un frein aux agissements des passeurs.

2.      Il ne faut plus permettre que les programmes d’aide des Nations Unies soient à ce point sous-financés comme il y a deux ans. La tâche principale est de fournir de l’aide sur place. Entre-temps, l’Allemagne a augmenté son soutien au Programme alimentaire mondial et au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

3.      Angela Merkel a condamné avec la plus grande fermeté les bombardements, par exemple celui d’une école, par le régime de Bachar Al Assad, mais aussi la Russie, qui ne fait rien pour s’y opposer. Les agissements de la Turquie à Afrin sont également inacceptables, même si l’on comprend parfaitement les intérêts de sécurité de celle ci, s’est indignée la chancelière. « Cela aussi, nous le condamnons sans appel. » Mme Merkel a, en outre, exigé une meilleure coopération avec les pays africains dans la lutte contre les causes de migration.

4.      Les frontières extérieures de l’UE doivent être protégées. Angela Merkel a appelé à la mise en place d’un registre d’entrées et de sorties. Un meilleur contrôle s’impose, car les menaces terroristes se sont amplifiées. Mme Merkel a remercié les forces de sécurité : « Notre société fondée sur la liberté ne permettra pas que des terroristes détruisent notre manière de vivre », a t elle affirmé.

5.      L’Allemagne continuera d’aider les personnes qui ont le droit de rester sur le sol allemand. Toutefois, celles qui n’obtiennent pas de titre de résidence permanente devront quitter le pays. L’Allemagne ne devrait pas avoir à gérer plus qu’un maximum de 180 000 à 220 000 nouvelles arrivées par an, a affirmé la chancelière, qui espère par ailleurs qu’un système commun d’asile sera adopté lors du Conseil européen en juin.

La situation des réfugiés a agi comme une loupe, révélant des problèmes fondamentaux au niveau de la société, selon la chancelière. Déjà, au cours des décennies précédentes, de nombreuses personnes venant d’autres pays sont arrivées en Allemagne. Il faut agir ensemble afin de remédier aux inégalités. Mais il importe également d’appeler les choses par leur nom.

Améliorer la cohabitation des religions
L’accord de coalition apporte des réponses à des problèmes existants. De nombreux progrès ont été réalisés mais sur le thème de la cohabitation et de la cohésion, l’on n’est pas encore arrivé là où l’on veut être. Angela Merkel a annoncé vouloir ficeler un pacte pour l’État de droit, entre autres par le recrutement de 15 000 policiers supplémentaires car elle estime nécessaire de respecter ceux qui font appliquer le droit.
L’Allemagne est un pays aux valeurs judéo-chrétiennes, a souligné Angela Merkel. Mais dans le même temps, 4,5 millions de musulmans vivent aujourd’hui dans notre pays. Leur religion, l’islam, fait désormais partie intégrante de l’Allemagne. « La cohabitation des religions en particulier nous met face à des défis », a affirmé Mme Merkel. Elle a exigé que la Fédération et les Länder trouvent ensemble des structures viables y compris pour l’islam. Aux yeux de la chancelière, la Conférence allemande sur l’islam continue de jouer un rôle important.

Renforcer la cohésion de la société
Comme fondement essentiel de la cohésion de l’Allemagne, Angela Merkel a cité l’article 1 de la Loi fondamentale : La dignité de l’être humain est intangible. Il n’y a donc « aucune place pour la violence, le racisme et l’antisémitisme dans notre État de droit ». « En tant que gouvernement fédéral, nous voulons surmonter cette division et créer une nouvelle cohésion », a souligné la chancelière. La prospérité de notre pays doit profiter à tous. L’objectif est d’avoir une société empreinte d’humanité, de justice et de cohésion. L’une des priorités est de soutenir encore plus les familles grâce, par exemple, à l’allocation d’accession à la propriété pour les familles (Baukindergeld). La nouvelle coalition entend soulager les familles monoparentales et les familles nombreuses, a ajouté la chancelière. En effet, la pauvreté des enfants est une honte.
D’autres mesures allègent les charges des citoyennes et des citoyens comme la réduction des cotisations à l’assurance chômage, le financement paritaire des cotisations à l’assurance maladie et la suppression de l’impôt de solidarité qui concerne 90 % de la population. Par ailleurs, la solidité financière continuera d’être garantie. Depuis 2014, le gouvernement fédéral n’a pas contracté de nouvelles dettes et cela restera ainsi, a assuré la chancelière.

L’avenir, c’est l’Europe
« Notre avenir réside dans la cohésion de l’Europe », a soutenu la chancelière : « Et non pas dans une politique du chacun pour soi, ni dans le repli sur soi, ni dans les égoïsmes nationaux. » Faisant référence au partenariat transatlantique avec les États Unis et le Canada ainsi qu’aux relations avec la Chine et la Russie, la chancelière a appelé à « une bien plus grande unité dans la politique étrangère » des partenaires européens, affirmant que seule une Union européenne agissant ensemble pourra défendre sa souveraineté, ses intérêts et ses valeurs et assurer sa prospérité.
Évoquant les dépenses de défense, la chancelière a souligné l’importance pour l’Allemagne d’être un partenaire fiable au sein de l’OTAN : « Dans l’accord de coalition, nous reconnaissons notre attachement aux objectifs de l’Alliance, ce qui inclut les contributions financières. » Angela Merkel a également déclaré que l’Allemagne avait besoin d’une Bundeswehr opérationnelle et dotée d’équipements modernes. Le dernier rapport du Commissaire parlementaire aux forces armées montre très clairement qu’il reste encore beaucoup à faire de ce côté là même si ces quatre dernières années un virage a été amorcé en matière de dépenses pour la défense.

« L’Allemagne peut y arriver »
Angela Merkel a réitéré qu’elle s’engagerait de toutes ses forces pour obtenir le meilleur pour ses concitoyens allemands. Peut être que ces derniers pourront alors dire à la fin de la législature que, à Berlin, on a su tirer des enseignements des résultats électoraux de 2017 et obtenu beaucoup de résultats concrets pour la population.
La chancelière espère pouvoir dresser comme bilan que la société est devenue plus humaine, que les divisions et les polarisations se sont amoindries, voire ont été surmontées, et que la cohésion a été rétablie. Elle a invité tout le monde à agir dans ce sens car, et c’est ainsi que Mme Merkel a conclu son discours : « L’Allemagne, c’est nous tous ! »

Source : Ambassade d’Allemagne.23.03.2008

 

 

Publications

 

Qu’est-ce qui inspire Emmanuel Macron ?

Par Cyrille Schott

La pensée politique ou la philosophie qui inspire le président Macron suscite une attention soutenue. Un quotidien national (1) s’y est intéressé, de façon répétée. Si l’on met à part le texte consacré à l’influence de Paul Ricoeur, les articles ou les tribunes publiées insistent sur l’importance de la « bourgeoisie managériale » et de la technocratie dans sa conduite de la réforme. Dans un supplément de mars 2018, ce quotidien a consacré sa couverture, puis deux pages au sujet suivant : « Le Saint Simonisme, une clé du macronisme. » Deux spécialistes y montrent, de façon intéressante et plutôt convaincante, les liens entre «l’industrialisme » de Saint Simon, le primat qu’il accorde aux « producteurs », et l’importance attachée par le Président de la République à l’entreprise, au management et à la capacité des Hommes. L’un des auteurs de cet examen relève aussi que « le saint-simonisme d’Emmanuel Macron s’appuie davantage sur la haute fonction publique et les grands corps de l’État que sur les « industriels » », en se demandant si « un saint-simonisme technocratique n’est… pas finalement un oxymore ».

En vérité, la pensée de Saint Simon a longtemps trouvé toute sa place dans les études de sciences politiques et la formation des hauts fonctionnaires. Des moments de notre histoire autres que l’actuel ont été marqués par l’action d’un État « saint-simonien », qui encourageait le développement industriel et le rôle des ingénieurs. L’époque pompidolienne n’a-t-elle pas été influencée par le Saint Simonisme ? L’X-Mines Lionel Stoleru, publie en 1969, alors qu’il est conseiller de Valéry Giscard d’Estaing (3), ministre de l’Économie et des Finances de Georges Pompidou, « L’impératif industriel », livre alors lu par nombre d’aspirants à la haute fonction publique. En prolongeant le regard, il n’est pas interdit d’affirmer que depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, cette pensée a été présente à l’esprit des acteurs étatiques des « Trente Glorieuses. » Des historiens pourraient même prétendre qu’elle ne fut pas étrangère à l’œuvre des technocrates du régime de Vichy, certes agissant dans le cadre d’un pouvoir autoritaire et dans le contexte d’une exploitation du pays par une puissance étrangère.

Si l’on peut reconnaitre dans la politique de Macron la prégnance d’une vision privilégiant le travail des producteurs de richesses, de même que la place de l’État, appuyée sur la capacité et l’efficacité de ses hauts techniciens, dans la réforme du pays, cette approche reste insuffisante.

Dans les media (4), le doigt est mis aussi sur une autre inspiration, celle venant de la théorie des « ordres sociaux », d’origine anglo-saxonne et récemment popularisée en France par le livre d’Olivier Bomsel, « La nouvelle économie politique – une idéologie du XXIe siècle. » (5) D’après cette théorie, ce sont les règles du jeu de la société, issues de la coutume, de la religion, de la politique ou du droit de chaque culture, qui déterminent la coordination et les performances économiques des sociétés. En donnant, par rapport à l’économie, le primat au rôle des institutions lato sensu d’une société, et notamment à l’action politique, elle bouleverse la vision commune suivant laquelle la politique est soumise aux réalités économiques.

« L’économie est partout, soit. Mais sa performance dépend des institutions » (6), écrit Bomsel. L’on pourrait soutenir, en caricaturant le langage marxiste que, dans la pensée des « ordres sociaux », les « superstructures », en un renversement total de perspective, déterminent « l’infrastructure ». La théorie distingue deux grands modèles, apparus successivement dansl’histoire, mais pouvant coexister : « l’état naturel », dans lequel, selon les termes de Bomsel,« le pouvoir est confié à un individu ou une élite qui use de la force pour s’attacher des vassaux en échange de rentes, de privilèges, d’accès exclusifs » ; « l’ordre d’accès ouvert », « dans lequel l’État ne restreint plus l’accès aux ressources (à la propriété) ou aux organisations » et où « la politique…est découplée de l’économie : les citoyens sont égaux devant la loi dans une société où priment les relations impersonnelles, ce qui permet l’extension d’une couverture sociale unifiée, sans passe-droit. L’Etat encadre toujours le recours à la force, c’est son rôle premier, mais de manière légale, institutionnalisée. » Entre les deux systèmes peut exister une phase de transition.

Indéniablement, Macron veut développer l’ordre d’accès ouvert en France et, à la lecture del’ouvrage de Bomsel, on ne peut qu’être frappé de la similitude entre le contenu de telle page de celui-ci et la politique de celui-là. La page 223 mérite d’être citée :

« Le catalogue des réformes économiques est connu. Il faut, d’une part, baisser les coûts de transaction des entreprises : droit du travail simplifié, contrats plus flexibles, meilleure représentation salariale pour plus de coopération et moins de hiérarchie, extension de l’apprentissage, transfert des charges vers d’autres supports…Et, d’autre part, réformer les aides sociales pour former et inciter les chômeurs à revenir sur le marché. À quoi s’ajoute la refonte des régimes de licences, de concessions ou d’offices affectant les marchés menacés. »

« Dans tous les cas, le problème politique est de circonscrire la fronde des officiers. Pour les régimes de licence, l’État doit trouver à financer le rachat ou une compensation acceptable des offices. Sur le marché du travail, le problème est le blocage résultant du monopole syndical ou, si l’on préfère, de la surreprésentation des emplois protégés. Il peut être contourné par plus d’autonomie des entreprises face aux accords de branche et plus de poids donné à la consultation directe, voire 2.0, des salariés. Rendre du pouvoir au salarié individuel « dépolitise » la négociation et contraint les syndicats à s’adapter à une plus grande diversité d’intérêts. »

Pour mieux comprendre le macronisme, la découverte de la théorie des ordres sociaux et la lecture d’Olivier Bomsel vaut certainement la visite renouvelée de la parabole de Saint Simon.

Cyrille Schott,

Préfet honoraire de région, ancien conseiller maître (SE) à la Cour des comptes, ancien directeur de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

Cyrille Schott est membre et délégué régional de l’AFDMA pour le Grand Est (Alsace).

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(1) Le Monde : « Emmanuel Macron a placé Paul Ricoeur au pouvoir », le 18 octobre 2017; « Emmanuel Macron ou la « bourgeoisie managériale » aux commandes de l’État » le 6 juillet 2017 ; « Emmanuel Macron, la technocratie au pouvoir » le 6 novembre 2017 ; « La haute administration, le véritable parti présidentiel » le 21 février 2018.

(2) Le Monde du 3 mars 2018, supplément Idées.

(3) Il sera plus tard un ministre de Giscard d’Estaing, de 1978à 1981, puis deFrancois Mitterrand, de 1988 à 1991.

(4) Libération du 5 septembre 2017, « Olivier Bomsel « Macron tente de redonner confiance

en rendant le marché́ acceptable et amendable » »

(5) Paru en 2017 en livre de poche Folio – essais.

(6) Ibid. p. 27.

Pour mémoire : L’intervention de Monsieur Le Préfet Cyrille Schott  «  Une analyse de la relation franco-allemande dans le contexte politique né des dernières élections «  a été adressée à tous les membres de l’AFDMA avec le procès verbal de la dernière assemblée générale. Elle a été également publiée in extenso sur le site www.afdma.fr. Cette analyse a été aussi reprise par la Fondation Robert Schumann dans ses publications.

 

France-Allemagne : et si les incompréhensions naissaient des constitutions ?

Par Phillippe Chalmel

Question : Qu’ont le plus de mal à comprendre les Français dans le droit constitutionnel allemand ?

Réponse : La loi électorale et le principe du ressort !

Le centre de gravité des attendus des alliés en 1945 était que la nouvelle constitution allemande rende impossible le retour d’un pouvoir politique centralisé et fort. Le Conseil parlementaire et les constitutionnalistes de Bonn sur le Rhin ont parfaitement transcrit juridiquement cette attente en 1949 dans la Loi fondamentale.

Deux focus donc, l’un sur la loi électorale, l’autre sur le Ressortprinzip, qui mérite une meilleure explication qu’une simple traduction littérale d’accroche !

La loi électorale qu’introduit l’article 38 de la Loi fondamentale est un monument de complexité, fait de poids et contrepoids n’ayant qu’un objectif ultime : le gouvernement du pays uniquement en coalition bi- ou multi-partisane, en rendant quasi-impossible la constitution d’une majorité parlementaire unicolore (tous les partis politiques en Allemagne sont représentés par une couleur).

Dernier exemple en date : les résultats de la CDU/CSU lors des dernières élections législatives n’ont pas permis à Madame Merkel de gouverner, encore, autrement qu’avec une grande coalition avec le SPD

Je ne me risquerai pas à une exégèse juridique même simplifiée : je reconnais bien humblement que j’en serais, comme beaucoup d’allemands d’ailleurs, incapable…

Une simple illustration : un paragraphe issu d’une étude spécialisée de plusieurs pages consacrée à la dernière réforme de la loi électorale du 21 février 2013 :

La Cour constitutionnelle fédérale exigeait alors une modification sensible du système de répartition des sièges, de façon à ce que la survenance du phénomène de « poids négatif des voix » (negatives Stimmgewicht) soit définitivement empêchée. En dépit (mais probablement aussi en raison) de son extrême sophistication, l’ancien droit électoral allemand n’était effectivement pas dépourvu d’apories tendant par exemple à ce qu’un gain de secondes voix pour un parti puisse parfois se traduire par une perte de sièges au Bundestag, alors qu’inversement une chute du nombre de secondes voix recueillies par une formation politique se concrétise parfois (non sans quelque paradoxe) par davantage de mandats au sein de la Diète fédérale.

Les apories du poids négatif des secondes voix ne représentant qu’une petite partie de la complexité….

Au-delà des causes, il faut simplement pour l’exécutif français bien intégrer le fait qu’il ne pourra jamais travailler avec un exécutif allemand porté par une majorité parlementaire unique, mais qu’il lui faudra compter, au cas par cas, par une recherche de consensus au sein du gouvernement. Qui dit consensus dit temps de négociation, c’est pourquoi la première différence de fonctionnement entre nos exécutifs est le rapport au temps politique dans la prise de décision. Cette différence se concrétise dès le début de la mandature, avec les mois nécessaires à l’écriture d’un contrat de coalition, qui plus qu’une feuille de route, restera bien un contrat contraignant dans tous ses détails.

Mais il faudra aussi que l’exécutif français intègre une autre réalité faisant que l’exécutif allemand n’est pas un exécutif français qui parle allemand : le principe du ressort…

C’est encore la Loi fondamentale, en son article 65, dispose que « Le chancelier fédéral fixe les grandes orientations de la politique et en assume la responsabilité. Dans le cadre de ces grandes orientations, chaque ministre fédéral dirige son département de façon autonome et sous sa propre responsabilité », sachant que dans les faits, la phrase suivante « le gouvernement fédéral tranche les divergences d’opinion entre les membres fédéraux », n’est dans les faits, pas appliquée.

Chaque ministre est donc propriétaire exclusif de son ressort, jaloux de ses prérogatives, responsable dans les faits face au Parlement, la Chancellerie se refusant à mettre les mains dans le cambouis interministériel. Quand deux ministères sont de, fait, concernés par une négociation internationale demandant un avis et n’ont pu se mettre d’accord, l’Allemagne s’abstient…. Ceci est dû également à l’absence d’organismes supra-ministériels, comme par exemple en France le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale.

Ces réalités sont amplifiées par l’équilibre des poids et contrepoids que décrit le contrat de coalition en répartissant les ressorts entre les parties : les ministères de la Défense et des Affaires étrangères, par exemple, ont été toujours été tenus par des représentants de partis différents….

Différence dans le rapport au temps politique, fausse toute-puissance d’une chancellerie contrainte au judo politique, sont les principaux enseignements de la lecture de la lettre constitutionnelle et de l’observation de sa pratique.

Ce qui n’est pas sans avantage pour la visibilité des partenaires étrangers : long à être mis en vitesse de croisière, le paquebot politique allemand ne changera ensuite jamais de cap, caractéristique constitutionnelle devenue caractéristique culturelle.

Mais ce qui motive également le fait que ce que nous interprétons de ce côté du Rhin comme une qualité, le french flair dans le management par l’intuition, dans la réactivité de la décision et son adaptation au changement des contextes, puisse être analysé comme une tendance à la versatilité de l’autre côté de notre fleuve commun…

Philippe Chalmel,

Général de corps d’armée (2s), ancien attaché de défense près l’Ambassade de France à Berlin (2011-2014), Conseiller du gouvernement pour la Défense (2015), actuellement directeur académique de l’Ecole d’administration militaire de la République du Congo.

Le Général Philippe Chalmel est membre de l’AFDMA

 

 

SOMMAIRE  Allemagne d’aujourd’hui

N° 223 janvier – mars 2018

(Extraits)

Éditorial

Une coalition stable pour gouverner l’Allemagne ? par  J. Vaillant

– U. Eith : Stabilité et changement. Portraits régionaux et socio-structurels des élections au Bundestag 201

Traduit de l’allemand par Guillaume Robin

– S. Bukow : Alliance 90/Les Verts au lendemain des élections fédérales de 2017 : un bon score électoral mais pas de perspective d’accéder au pouvoir au niveau fédéral.

Traduit de l’allemand par Jérôme Vaillant

Documentation

– K. von Dohnanyi : Martin Schulz était-il une erreur historique ?

Traduit de l’allemand par Jean-Jacques Alcandre

– H. Ménudier : Les élections régionales en Basse-Saxe.

L’actualité sociale par B. Lestrade.

– D. Petre : « Francfort en français », un succès francophone.

– K.-H. Standke : La vie miraculeuse de Stéphane Hessel. Entre « Éros et Thanatos ». Hommage à l’occasion du centenaire de sa naissance.

– C. Millot : Les conflits sociaux de la fin des années 1960 en République fédérale, vus par un poète de RDA, Volker Braun.

– J.-L. Georget : De la théorie oubliée au pragmatisme appuyé : une redécouverte contemporaine de Leo Frobenius.

Dossier

70 ans de coopérations franco-bavaroises

Un dossier dirigé par Julien Thorel :

– Avant-propos.

– J.-C. Brunet : France-Bavière : un partenariat pour l’amitié franco-allemande et l’Europe.

– C. Bruneau : Qu’en est-il du dynamisme économique franco-bavarois ?

– J. Thorel : Les enjeux de la coopération culturelle et linguistique franco-bavaroise.

– P. Alibert, A. Honsdorf : La France se trouve au bout du couloir à gauche ! 20 ans de coopération exemplaire entre le Centre de Coopération universitaire Franco-Bavarois et le Bureau de Coopération Universitaire.

Traduit de l’allemand par Alizée Bertrand.

– P. Fischer, M. Köller : Le séminaire de Fischbachau :un incontournable de l’agenda franco-allemand.

– G. Rosenthal : Réaliser l’Europe sociale – un devoir pour la France, l’Allemagne et la Bavière.

Traduit de l’allemand par Julien Thorel.

 

 

Dokumente / Documents

 

L’avenir de la revue Dokumente / Documents est incertain, entre autres en raison d’un environnement économique difficile.

Le gouvernement français a supprimé son aide il y a déjà quelques temps. Le gouvernement allemand a également manifesté son désir de désengagement. En tout état de cause, la revue ne pourra certainement pas continuer à paraître sous sa forme actuelle. Une nouvelle publication serait envisagée, par exemple sous forme de blog publié sur internet. Sa réalisation ne pourra cependant pas se faire sans un soutien financier extérieur.

A suivre…

 

Les manifestations franco-allemandes

 

A la Maison Heinrich Heine,

Cité universitaire internationale , Bd Jourdan, 75014 Paris

Extraits du programme des manifestations culturelles d’avril à juin 2018.

Table ronde – conférence-débat
« France-Allemagne : quels défis et quelles réponses pour la relance de l’Europe ? »
Lundi 16 avril 2018  de 19h30 à 21h30

La relance de l’Europe dépend largement de l’étroite coopération entre la France et l’Allemagne. Tandis que la France souhaite passer à un agenda de réformes pour l’Union européenne et la zone euro, l’Allemagne reste fidèle à une approche prudente et moins ambitieuse. Après l’installation tardive d’un nouveau gouvernement allemand, quelles sont les perspectives pour la coopération franco-allemande ?

Avec T.Hanke, correspondant du quotidien Handelsblatt à Paris, G.Nonnenmacher ancien co-éditeur de la FAZ et D.Capitant (mod.), prof de droit public à l’Univ.Paris I et Président de l’Université franco-allemande.

 

Débat

« Témoignages de Mai 68 « 
Jeudi 24 mai 2018  de 19h30 à 21h30

Débat avec la projection d’un entretien filmé par la Maison Heinrich Heine (2008) entre Maurice Grimaud et Heinz Wismann

Comment les protagonistes de Mai 68 ont-ils vécu ce mois inouï qui a révolutionné la société ? Maurice Grimaud (1913-2009), préfet de police de Paris, gère la révolte des étudiants en alliant tolérance et fermeté. Dans Mai 68. Mémoires, réédité cette année chez Perrin et avec une préface d’Olivier Wieviorka, il présente un témoignage passionnant de cette période. De l’autre côté de la barricade, Alain Geismar (Mon Mai 1968, Perrin 2008), l’un des leaders du mouvement, est resté longtemps discret sur ce qu’il estime être « le plus grand mouvement social du siècle dernier.

Alain Gesmar est inspecteur hon. de l’Education nationale. Olivier Wieviorka, historien, est prof. à l’ENS de Cachan. Heinz Wissmann est philosophe et directeur d’études ém. à l’EHESS.
Débat

Jeudi 31 mai 2018 à 19h30

« André Gorz, pionnier d’un nouvel ordre social. »

50 ans après mai 68, qu’en est-il des utopies sociales ? Figure de la nouvelle gauche, André Gorz alias Michel Bosquet était un philosophe en avance sur son temps qui réfléchissait au rapport entre liberté et écologie, au revenu universel et à la maîtrise du temps. Au cours de cette conférence avec la participation de D. Cohn-Bendit, C.Leggewie présentera le recueil collectif qu’il a dirigé sur ce penseur disparu il y a 10 ans.

Claus Leggewie, politologue, est dir. Em. au Kulturwissenschaftliches Institut de Essen. Daniel Cohn-Bendit est ancien député européen.

Réservation nécessaire : contact@maison-heinrich-heine.org. Tél : 0144161300

 

Le Grand Prix Franco-Allemand des Médias 2018 attribué à

Jürgen Habermas

 

L’Europe et le monde font face à des changements majeurs. Partout les citoyens s’interrogent sur leur rôle et sur les possibilités dont ils disposent pour apporter leur pierre à l’édifice pour bâtir l’avenir de notre société. C’est dans ce contexte que s’inscrit la décision des membres du Prix Franco-Allemand du Journalisme (PFAJ) d’attribuer le Grand Prix Franco-Allemand des Médias au Professeur Jürgen HABERMAS, philosophe et sociologue.

Le Professeur Thomas Kleist, Président du PFAJ et PDG du Saarländischer Rundfunk, voit dans ce choix un hommage que les organisateurs du Prix ont souhaité rendre à l’engagement de longue date de ce fin lettré pour façonner une Europe au visage démocratique. « Par ses travaux scientifiques, Jürgen Habermas a marqué de son empreinte des générations d’intellectuels ; ses réflexions régulières ont eu une incidence décisive dans le débat sur l’avenir de l’Europe. C’est pourquoi nous avons l’honneur et l’immense joie de lui décerner ce Prix qui récompense à la fois l’intellectuel hors pair et le « citoyen du monde » d’exception, et de le remercier pour l’ensemble de son œuvre. »

Le Grand Prix des Médias est attribué chaque année à une personnalité ou à une organisation qui s’est particulièrement illustrée en œuvrant pour le rapprochement franco-allemand et européen. Simone Veil, Volker Schlöndorff, Valéry Giscard d’Estaing, Helmut Schmidt, Alfred Grosser, Jean Asselborn, Plantu et l’organisation qu’il a fondée, Cartooning-for-peace, ainsi que l’association de sauvetage des réfugiés SOS-MEDITERRANEE ont été lauréats de ce prix.

Aux côtés du Grand Prix Franco-Allemand des Médias, le Prix Franco-Allemand du Journalisme récompense d’excellentes contributions journalistiques dans cinq catégories (Vidéo, Audio, Écrit, Multimédia et Prix Jeunes Talents). La remise des Prix aura lieu le 4 juillet 2018 à Berlin dans les locaux de la chaîne ZDF – Zollernhof, Unter den Linden.

 

 

La vie de l’AFDMA

L’assemblée générale a eu lieu le 20 février 2018 à Paris
dans les bureaux parisiens du Parlement européen, que nous remercions pour son accueil.

Un procès verbal très détaillé  de cette assemblée générale, qui a réuni un nombre de membres plus important qu’à l’accoutumée, a été adressé à tous par notre Secrétaire général, le Général Olivier de Becdelièvre, en date du 02.03.2018. En plus de la partie « statutaire », cette assemblée générale a été marquée par l’intervention de M. le Préfet Cyrille Schott, Délégué régional de l’AFDMA pour le Grand Est (Alsace), sur le thème de « la relation franco-allemande dans le contexte politique des dernières élections en Allemagne ». Le texte de cette intervention est repris in extenso au « Carrousel d’articles d’actualité » du site www.afdma.fr.

Les membres de l’AFDMA

Ils nous ont quitté :

Lors de la dernière assemblée générale, notre Président a rendu hommage au Dr. André Desbois, à Robert Cabié, Louis Jung, Edouard Jund, André Weber, et à Mme la générale Hanoun Madré.

Nos sincères condoléances à leurs familles et à leurs proches.

Ils nous ont rejoint récemment :

Cyrille Schott, Préfet de Région (h), ancien directeur de l’Institut des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice, ancien conseiller du Président de la République. Délégué régional de l’AFDMA pour le Grand Est (Alsace).

Général Jean Cot, Général d’armée (c.r). Commandant de la 1ère armée française quand il a été placé à la tête de la FORPRONU en ex Yougoslavie de 1993 à 1994. Enseignant à l’Université de Reims. Auteur d’articles et d’ouvrages en particulier sur les questions de défense et de paix. Une liste de ses publications peut être fournie sur demande.

Jean-François Bohnert, actuellement Procureur général près la Cour d’appel de Reims après une carrière de 30 ans comme magistrat du Parquet. Magistrat de liaison à Bonn (1998 – 1999) puis à Berlin (1999 – 2003). Chef du service juridique de l’Ambassade de France. Depuis 2002, Président de l’Association des Juristes franco-allemands (AJFA).

Jean-Yves Reslinger, Administrateur des finances publiques. Entre autres, ancien« Trésorier » de l’Ambassade de France à Berlin. Actuellement chef du service de contrôle budgétaire et comptable ministériel du ministère de la Culture et de la Communication.

Michel Richard, directeur honoraire des services du Sénat. Secrétaire général de l’association internationale des ministres et anciens ministres des Affaires européennes, dite « Club MFE » (« Ministers for Europe »).

Général Philippe Chalmel, Général de corps d’armée (4s), attaché de défense près l’Ambassade de France à Berlin (2011-2014), Conseiller du gouvernement pour la Défense (2015), actuellement directeur académique de l’Ecole d’administration militaire de la République du Congo.

Toutes nos félicitations et nos meilleurs voeux de bienvenue.

 

De nouveaux délégués régionaux :

Jacques Ajouc, diplomate , résidant près de Montargis (Loiret), s’est proposé pour assumer les fonctions de Délégué régional pour le Centre-Val-de-Loire, proposition acceptée et dont l’assemblée  générale  l’a remercié.

Jérôme Vaillant, professeur émérite de civilisation allemande auprès de l’Université Lille III, directeur et rédacteur en chef de la revue « Allemagne d’aujourd’hui » a bien voulu accepter de devenir notre Délégué régional pour les Hauts de France. Qu’il en soit félicité et remercié.

 

 APPEL / RAPPEL

 

La vie de l’AFDMA, ce sont aussi les cotisations de ses membres.

Merci de nous soutenir dans notre engagement.

Le montant reste inchangé en 2018 :  30€, à adresser par chèque dans les meilleurs délais à notre trésorier, Bernard Lallement, 142 rue Boucicaut, 92260 Fontenay aux Roses.

Pour tout virement, voici les coordonnées bancaires de l’AFDMA :

Compte n° 08231147386 auprès de la Caisse d’Epargne d’Ile de france

IBAN : FR76 1751 5900 0008 231 4738 636